samedi 11 février 2012

À savoir (et à mijoter) avant de considérer le recours à une mère porteuse...

Chers lecteurs (ou plutôt lectrices, hihi!),

J'ai hésité avant d'entreprendre la rédaction de ce post, par crainte de me faire passer pour une fille bête ou raide, par crainte de "péter la bulle" de certaines femmes infertiles intéressées par la possibilité de devenir maman via mère porteuse, ou encore par crainte qu'on pose sur mon geste ou ma personne un regard différent. 

Mais comme je suis une fille franche et ouverte, qui aime dire "les vraies affaires", telles qu'elles sont réellement, sans détour ni fla-fla, j'ai décidé que j'allais l'écrire.  Me voilà donc qui m'apprête aujourd'hui à "parler dans le casque" à tous ceux qui pourraient avoir envie de percevoir le recours à une mère porteuse comme une belle aventure pleine de générosité et sans compromis.

Depuis la publication de mon livre, Aventures au pays des cigognes, j'ai reçu et je continue de recevoir une multitude de questions de la part de femmes infertiles ou de femmes intéressées à devenir elles-mêmes mère porteuse.  J'essaie de répondre à tout le monde, du mieux que je peux, à ces questions qui se ressemblent pas mal toutes.  Mais je suis souvent étonnée du ton "matter-of-fact" de ces courriels, comme si le recours à une mère porteuse était une chose toute simple et accessible.

Je réalise que la gestation pour autrui est victime de mythes non seulement par rapport à l'attachement émotif envers le foetus, mais également et surtout envers l'accessibilité de ce "service".  J'ai donc décidé de prendre le temps aujourd'hui de démystifier certains mythes.  Le post s'adresse particulièrement à tous ceux et celles qui envisagent les services d'une femme pour porter leur enfant.


Mythe #1: Il est assez facile de trouver une mère porteuse, il suffit de chercher au bon endroit. 

Euh...malheureusement, non.  Les mères porteuses ne courent vraiment pas les rues.  Oui, il existe des centaines de femmes qui se disent prêtes à porter les bébés des autres, mais sans être bien informées sur les processus, les enjeux et les façons de procéder.  Lorsqu'elles réalisent à quel point l'affaire est complexe, beaucoup beaucoup plus que ce qu'elles s'imaginaient, soudainement le projet ne les intéresse plus.  Que ce soit la paperasse demandée, le nombre de rendez-vous et de déplacements nécessaires, les médicaments liés au protocole (particulièrement les injections), les risques impliqués, les réactions négatives de leur entourage, la grande majorité se laissent éventuellement décourager par ce projet qui paraissait beaucoup plus rose-bonbon au départ.  Pour les quelques femmes qui décident de procéder et d'aller de l'avant, près de la moitié se font refuser par les cliniques de fertilité en cours de "screening".

Mythe #2: Puisqu'il est si difficile de trouver une mère porteuse, alors les couples infertiles devraient se jeter sur la première venue.

Voici une situation ou l'adage "beggars cannot be choosers" ne devrait aucunement être pris au sérieux.  La nécessité ne devrait certainement pas faire la loi quand il s'agit de trouver la femme qui portera son enfant.  En tout cas, il me semble  Surprenamment, il n'est pas rare de tomber sur des petites annonces du style "jai 19 ans pis jai 3 enfant a moua jaimerè vrèmant aider une femme qui peu pas avoir d'enfant a avoir un enfant je pran pas de droges pi je fume pas pi jai vrèmant une bonne alimantasion."  Tsé veut dire...  Je ne me trouve pas meilleure qu'une autre, mais je suis absolument OUTRÉE quand je lis ce type de message (qui existe réellement!!!)  Je ne peux juste pas m'imaginer qu'un couple infertile, aussi désespérés soient-ils à avoir un enfant, pourraient considérer sérieusement un tel choix.  Il faut vraiment faire attention.  On ne choisit pas une mère porteuse comme on choisit une femme de ménage.  Même si la femme en question est éduquée, a l'air fine, légitime et "parait bien sur papier", il est crucial d'écouter son coeur autant que son jugement, et de choisir avec soin celle qui mettra au monde son enfant. 

Mythe #3: Il est possible de trouver une mère porteuse au Québec.

Oui et non.  Ça existe, mais il faut savoir que la chose est excessivement risquée.  Pourquoi au Québec plus qu'ailleurs?  Parce que les lois québecoises (sous le Code Civil et non le Common Law qui régit le reste du Canada) font que les contrats entre les parents biologiques et la mère porteuse juridiquement nuls, invalides.  Il n'est pas illégal de porter l'enfant d'une autre femme, mais la chose n'est pas non plus légale.  Au Québec, la femme qui accouche est reconnue comme la mère biologique et légale de l'enfant.  Elle a tous les droits sur l'enfant à qui elle donne naissance.  Point à la ligne.  Si elle change d'idée et décide de garder le bébé (ce qui est très peu probable mais pas impossible), les parents n'ont aucun recours.  Même si la mère porteuse n'a aucun lien biologique avec l'enfant qu'elle a porté.  Même si les parents ont des preuves solides (tests d'ADN) pour confirmer que cet enfant est le LEUR.  Ce type de situation ne s'est encore jamais produit au Canada, mais en tant que parents québecois, il est important de considérer cette horrible possibilité (même si la femme est notre belle-soeur en qui on "peut avoir confiance").  On ne sait JAMAIS ce qui peut arriver.

Mythe #4: La façon la plus efficace de trouver une mère porteuse est le bouche à oreilles ou encore les petites annonces.

Pas totalement faux, ces moyens peuvent être efficaces.  Mais la grande majorité des mères porteuses canadiennes sont trouvées à travers des compagnies de consultants en fertilité, (aller dans Google et taper "canada surrogacy consultants").  Une femme qui désire devenir mère porteuse approche habituellement une de ces compagnies, qui l'aide alors à trouver des parents qu'elle pourra aider (en plus de fournir un support émotif et un aiguillage vers certaines ressources légales et médicales).  Je n'ai aucune idée du fonctionnement du côté des parents qui ont recours à ces services, ni du type de frais administratifs liés.  Mais je sais qu'il s'agit d'un moyen sûr et habituellement efficace de trouver une mère porteuse.  Il existe aussi de nombreux sites de rencontres canadiens ou internationaux tels que http://www.surrogatefinder.com/ (un parmi tant d'autres), mais sur qui toutes sortes de gens rôdent.  C'est un monde qui peut être assez intéressant, mais qui demande beaucoup de jugement.

Mythe #5: Puisqu'il est interdit de payer une mère porteuse, ce service est financièrement assez abordable.
La loi canadienne interdit effectivement la rémunération des mères porteuses, sous peine d'amende sévère (on parle d'un demi-million) ou d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans.  Contrairement aux États-Unis, où les femmes reçoivent un dédommagement parfois ridiculement élevé, les mères porteuses canadiennes agissent "par altruisme".  Elles ne peuvent pas accepter de paiement en tant que tel, mais leurs dépenses raisonables peuvent être remboursées, avec preuves (reçus) à l'appui.  Les avocats qui se spécialisent en matière de "surrogacy" au Canada seront les premiers à vous informer qu'il existe toutefois une faille assez importante dans le système juridique en ce moment: il n'existe aucune définition légale officielle de ce qu'on entend par "dépenses raisonables", ni du type de dépense acceptable, ni du montant total de ces dépenses.  Il suffit de se renseigner auprès de son avocat pour connaître les montants de remboursement actuellement "en vigueur".  Même si je persiste à croire que la plupart des mères porteuses canadiennes agissent principalement dans des buts altruistes, elles ne sont pas prêtes à perdre quoi que ce soit dans le processus.  Et personne ne peut vraiment affirmer que ce soit injuste ou irraisonable de leur part.  Ces femmes ont des enfants, des maris, des emplois, et doivent faire de nombreux compromis pour au moins une année dans le cadre de ce projet.  Il est juste que leurs dépenses, quelles qu'elles soient, soient entièrement remboursées.

En plus des dépenses de la mère porteuse, il faut savoir qu'il existe de nombreux autres frais associés au projet:
- frais d'avocat
- frais liés au screening physiologique et psychologique (habituellement non couverts par la fameuse gratuité des traitements de fertilité présentement en vigueur au Québec)
- médicaments (rarement couverts par les compagnies d'assurance)
- traitements médicaux (pas toujours couverts par la gratuité quand il y a recours à une mère porteuse non québecoise)
- sans compter toutes les dépenses encourrues avant qu'il y ait confirmation de grossesse, et qui ne font pas partie du montant total habituel alloué pour les dépenses (pertes de salaire, déplacements, hébergement, etc.)

Donc bref, il est crucial de s'informer et d'établir un budget.  Malgré la gratuité, un couple québecois qui choisit d'avoir recours à une mère porteuse peut s'attendre à débourser un méchant montant d'argent.  Pour les couples hors-Québec, à ces frais s'ajoutent évidemment les traitements de fertilité, toujours non couverts par le provincial.

Mythe #6: Si on réussit à trouver une mère porteuse ainsi que les ressources monétaires pour financer le projet, ben l'affaire est pinotte!

Malheureusement, même si les épreuves précédentes ont été surmontées, le fun ne fait que commencer!  Il n'y a absolument aucune garantie que les traitements de fertilité résulteront en une grossesse et encore moins en la naissance d'un bébé.  Les mères porteuses, même si elles possèdent habituellement une excellente santé reproductives, sont des femmes comme les autres, pas des magiciennes.  Plusieurs facteurs influencent les probabilités de succès de chaque transfert d'embryons: la qualité des embryons, les facteurs chromosomiques, l'efficacité des traitements, la précision de chaque procédure, et des milliers d'autres facteurs sur lesquels personne ne possède de contrôle (sauf Dame Nature, qui peut apparemment être une véritable b*tch!)  C'est un investissement sans garantie.  Un acte de foi.  Un risque à prendre.

Mythe #7: Puisqu'il s'agit de NOTRE bébé, la mère porteuse doit faire ce qu'on lui demande de faire.

Tout dépend de ce que la mère porteuse est prête à accepter comme compromis, et à inclure comme élément dans le contrat légal.  Pour ma part, je suis prête à m'imaginer à la place des parents inquiets et à faire certains compromis qui pourront les rassurer.  Mais aucune mère porteuse ne devrait être obligée d'accepter quoi que ce soit avec lequel elle ne se sent pas à l'aise.  Sa santé, sa liberté, sa vie personnelle devraient demeurer des priorités.  Une mère porteuse n'est ni une machine, ni une employée.  Elle est une femme, une maman, qui est prête à sacrifier une partie de sa vie pour vous permettre de vivre votre rêve de devenir parent.  Elle ne devrait en aucun cas être considérée autrement.  Et le fait que vous devez débourser pour rembourser ses dépenses n'a rien à voir.  Il est important de lui laisser savoir que vous la respectez, que vous l'appréciez, et de façon sincère.  Il ne devrait exister aucun jeu de séduction ou de manipulation, que de l'ouverture et beaucoup, beaucoup de confiance.  Il est important de réaliser ceci avant même de choisir l'option "mère porteuse".  De la même façon que les femmes ne sont pas toutes faites pour être mères porteuses, pas tous les gens sont faits pour avoir recours à une tierce personne pour donner la vie à leur enfant.

Voilà, je crois maintenant avoir fait le tour de la question.  Tout ceci étant dit, il est important de savoir que dans la plupart des cas, le recours à une mère porteuse est une expérience très positive et enrichissante pour toutes les parties impliquées.  Il est simplement important de savoir dans quoi on s'embarque avant de se lancer dans le projet à l'aveuglette.  Il faut être préparé, et ce à tous les points de vue.  C'est vraiment la clé du succès.

6 commentaires:

  1. Tres bon résumé Line ! En tant que maman qui a eu recours, je trouve que tes mots expriment et "mettent en garde" de la bonne facon, pcq en effet si il y a qqchose de non banal, de compliqué, d'imprévisible et de $$$$$$$$ c'est bien une grossesse avec mere porteuse !!!
    T'es géniale ;)

    Jess

    RépondreEffacer
  2. C'est excellent Line! Pis je n'ai pas trouvé ça rough, juste la vérité! Encore une fois, good job!! Anne xxx

    RépondreEffacer
  3. Tu es pas mal bonne et intelligente!!! Aux parents qui ont eu recours à toi pour avoir une famille, j'espère seulement qu'ils réalisent la chance qu'ils ont.... j'ai lu ton livre et je suis ton aventure depuis le jour "un" ... félicitations, tu as une belle âme ;D

    RépondreEffacer
  4. Je ne te trouve pas raide. Je crois qu'il est bon et important que les gens recoivent la bonne information.
    Sylvie :)

    RépondreEffacer
  5. Très intéressant de lire ce post. Merci de tout ce complément, ce n'est en aucun cas un parcours plus facile que l'infertilité en tant que tel mais il est important de démystifier le sujet des mères porteuses.... c'est tellement peu abordé.
    Virginie

    RépondreEffacer
  6. J'aimerais avoir le même constat, mais cette fois-ci du point de vue de la mère porteuse. Quel genre de préparation mentale doit-elle faire? Un baby blues sans bébé ça se vit comment? Lorsqu'il quitte avec le bébé et que toi tu retournes chez toi les mains vides?! Comment bien se préparer? Où bien se renseigner? Par où commencer? etc.

    RépondreEffacer